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Liban terre d’asile

Adib Y Tohme

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On ne s’est pas trompé, le Liban est bel est bien une terre d’asile. Il l’a toujours été. Il l’est de plus en plus. Ce n’est pas des considérations humanitaires qui ont conduit à cela, mais la lâcheté et les renonciations de chacun. Aujourd’hui le bloc du 8 mars (appelé ainsi en souvenir de la manifestation qui a eu lieu le 8 mars 2005 pour remercier la Syrie de sa présence au Liban) et celui du 14 mars (appelé ainsi en commémoration d’une contre-manifestation qui a eu lieu le 14 mars 2005 pour réclamer la fin de l’occupation syrienne du Liban) ressemblent à s’y méprendre à deux ailes d’un même asile psychologique bien organisé.

Les malades (nous, mes chers compatriotes), dans leur grande majorité, gavés de tranquillisants et soumis à un dressage soutenu, restent sages. Ils obéissent. Les visages des hommes, pour la plupart, sont ronds et où le triple menton n’est pas une rareté. Ils souffrent d’embonpoint à force de se nourrir de gras cholestérol. Ceux des femmes sont lisses. Ils reproduisent les mêmes traits rajeunis et polis par l’action des mêmes plasticiens. L’asile est le témoin précaire de vies minuscules. Il voit passer tous ces malades qui refusent de disparaitre. Tous ces êtres désorientés qui ne cessent de fuir, de fuir la violence, de fuir l’insécurité, de fuir à la recherche du travail, de fuir leur conjoint(e), de fuir l’administration, de fuir la misère de leur pays et celle importée par ceux qui ont fui leur propre misère, de fuir leur propre invisibilité, de fuir tout, mais toujours malgré eux.

Beaucoup de résidents ne quittent pas l’aile dans laquelle ils ont été assignés et s’enferment dans leurs compartiments jusqu'au-boutisme, convaincus que l’administration de leurs propres ailes détient la vérité absolue. D’autres errent entre les deux ailes au gré de leurs besoins et de leurs humeurs. La majorité des malades croit qu’elle peut vivre sa vie à distance des ailes. Elle veut d’une vie entre les vies avec le seul souci de cohabiter à côtes des autres dans un lieu de nulle part, dans la partie des sans-partis, où elle passe son temps à construire des châteaux de sable ou à confectionner des formes d’animaux avec des mouchoirs. Elle est d’ici sans être ici et constitue un flot ininterrompu d’anonymes qui se rendent non pas au travail mais à l’aéroport pour essayer de se retrouver ailleurs dans leur vie mutilée.

Le « bon » malade est celui qui s’indigne de tout mais se résigne à tout. Celui qui cède à la facilité des préjugés et à la sécurité de la passivité. Un autre malade « exemplaire » est celui qui est toujours en colère mais au mauvais moment et pour la mauvaise cause. Face aux vrais problèmes, il fait toujours le choix de ne pas choisir. Et aussi celui qui passe sa vie à critiquer et à dénigrer les autres malades, à guetter les problèmes et les défauts, à tous moment et en toute situation. Il y’a aussi celui qui cache sa petitesse par l’assurance de l’image. Il n’a d’autre but que celui de paraitre et est continuellement en représentation d’un autre qui n’est que l’image loufoque de lui-même. Il y’a aussi celui qui est spécialisé dans les menaces voilées. Le vaniteux bavard qui donne son avis sur tout, imbu de ses certitudes et soûlé par son arrogance, mais qui au fond ne sait rien parce qu’il est incapable de penser. Le malade idéal (autrement dit le citoyen modèle) est celui qui ne cesse de s’en aller et qui ne cesse de revenir, tiraillé entre le Liban dont il rêve et celui où il vit. Il passe sa vie dans l’entre-deux, guéri mais pas complètement, il contribue à financer l’asile.

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